Peut-être cela vous est-il déjà arrivé de vous dire : « Cette scène-là, je l’ai déjà vue, dans ma tête, dans mon subconscient et je l’ai devant les yeux ». Comme si c’était une prémonition.
On peut remarquer aussi parmi des personnes que l’on estime pour telle ou autre raison mais que l’on ne fréquente pas, que des points communs se découvrent ou des similitudes étranges se dévoilent.
Première impression. En passant devant cette prison St Paul désaffectée, à Lyon, le long des quais du Rhône, je me suis demandée comment me procurer l’autorisation de photographier ces lieux désertés et si empruntés d’un lourd passé. Vous avez deviné en visitant mon blog que je suis sensible à ces endroits de mémoires, abandonnés, en ruines ou en friches. Allez savoir pourquoi ?!
Puis en deuxième impression, il y a Ernest. Ernest PIGNON-ERNEST. Il a toujours été, depuis longtemps, le dessinateur qui m’a le plus fascinée . J’ai eu l’occasion de m’assoir tout près de lui en 2008, lors d’une projection sur son travail à l’Hôtel Campredon dans la maison de René Char à l’Isle-sur-la-Sorgue (84). Quelqu’un de simple, à la voix douce et posée, un sourire presque constant, comme une sérénité permanente. Mais c’est à la Chapelle St Charles d’Avignon, la même année, que je suis tombée en « Extases » devant ses réalisations (voir photo). « Extases » sur le thème des mystiques extatiques, Marie-Madeleine, Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, Marie de l’incarnation, Madame Guyon : sept grands portraits imaginés mis en espace dans la chapelle et une quarantaine de dessins préparatoires constituant la genèse de l’œuvre.
Ces grandes toiles blanches, suspendues, se reflétaient dans un miroir d’eau au fond de l’église. Le lieu, les couleurs relativement monochromes, le silence, la mise en scène poussaient le visiteur au recueillement, à l’interrogation sur l’histoire qui composait chacune de ces femmes ainsi représentées.
« EXTASES » – Chapelle St Charles – Avignon – 2008
Quel est le lien entre ces deux impressions ?
Voici deux jours, Ernest PIGNON-ERNEST, était l’invité d’une émission à la radio.
Le temps s’est suspendu. J’ai posé la cuillère près du bol de café, je n’ai plus entendu le tic-tac des aiguilles de la grande horloge, j’ai juste entendu sa voix qui racontait ses émotions du moment, son travail, ses projets. Mais surtout ce qu’il ressentait en dessinant, en projetant sa démarche intellectuelle et artistiquement créatrice sur le papier. En noir et blanc. Puis sur des murs.
Et ce projet prend forme à la prison St Paul à Perrache à Lyon dans ce lieu terrible.
Les dessins d’Ernest inspirés de cet endroit sont actuellement à la galerie Lelong à Paris. « Avant que la transformation des lieux en campus ne provoque une amnésie collective, j’ai tenté d’y réinscrire par l’image le souvenir singulier d’hommes et de femmes, célèbres ou inconnus, qui y ont été torturés ou exécutés. Dans différents couloirs, cellules, cours, je me suis efforcé d’inscrire leur visage, leur corps, d’y introduire le signe de l’humain. La prison Saint-Paul de Lyon n’est pas une prison ordinaire. Klaus Barbie y a sévi. Jean Moulin, Raymond Aubrac, de nombreux résistants y ont été emprisonnés. »
» Inscrire du sens et du sensible sur des lieux » – « Je dois plus aux poètes qu’aux peintres ».
Pour rejoindre le premier paragraphe de ce billet sur la similitude des choses et entre les personnes, Ernest en répondant sur une question sur son prénom a eu la réponse juste et évidente que je me suis toujours dite.
Lorsque quelque chose devient ou est la risée, alors il faut accentuer cette chose, la rendre visible et évidente. Et là, elle devient intéressante et remarquée. Pour lui c’est son prénom. Et pour moi aussi.
La région qui déclencha toute sa démarche, en 1966, in situ sur le plateau d’Albion, est proche du village où se situe mon atelier et où je vis.
Et pour clore ces coïncidences, la galerie Lelong à Paris est rue de Téhéran… Téhéran, là où j’ai passé 7 ans de ma vie !